Négatif : l'enfant rebelle

Un album marqué au fer des initiales de son génial auteur-compositeur-interprète, un rebelle exalté jurant le point levé que les gens sont tous des cons, s’enquérant de sa condition d’insoumis allongé dans l’arène : « ne suis-je qu’un sauvage qu’on réfrène ? » se demande B.B. Un album marqué de la chair et du sang d’un homme passionné, écorché, poussé par le vent sur quelques ifs, vidé de son sang, trop émotif, aimant d’un amour innocent, passionné et éternel la peau écrue et les mains douces de sa chère inconnue dont il ne sait rien, haïssant de façon aussi exclusive dans les cendres de la lettre d’une amour défunte. B.B. s’épanche tel un enfant, cherche dans ses nuits blanches des souvenirs qui subsistent, désespérément ; il sait déjà qu’il est inutile de rêver car ça ne reviendra jamais. Négatif est peut-être le testament de l’adolescence rebelle et sans concession voire de l’enfance perdue. Négatif est la fin de l’insouciance, de la fête célébrée avec le Matéo Gallion, la fin d’un rêve, le « royaume perdu » de B.B. Et lorsque l’on tente d’exhumer ce royaume perdu, c’est une ombre étrange que l’on sent planer, l’ombre d’un fumeur de gitane qui avait chanté les mêmes initiales et s’était affiché avec l’une des plus belles actrices françaises dont la fille chante aux côtés de… B.B. On pourra alors se demander si la fumée des gitanes ne cache pas une autre ombre troublante : celle du passionné et ambitieux Julien Sorel…

Négatif

Il est une chanson phare dardant sa lumière noire sur l’œuvre d’un sombre insoumis qui porte la mélancolie d’une Amérique engloutie comme une rose à sa boutonnière. Piqué au destin tragique de ce royaume perdu, orphelin d’un rêve spatio-temporel inaccessible, B.B. promène ses états d’anémie sur le négatif altéré d’un film du temps jadis.

En attendant la terre promise (Cours !, Prenons le large, Buenos Aires) qu’il aime à fuir pour mieux cultiver sa douleur (A la longue) ou dans laquelle il peine à croire (Le bonheur mon cul), B.B. articule un chaos rouge et noir : les continents y dérivent (La dérive des continents), le ciel nous tend l’arme du crime (Tant le ciel était sombre), le désert termine la route (Qu’est-ce que ça peut faire), et la superbe, ultime rempart de la dignité, finit par tomber (La superbe).

Négatif signe ainsi toute l’œuvre de B.B. Négatif irrigue du sang de B.B. le déterminisme malheureux qu’il se tue à marteler de ses sentences récurrentes et définitives : lentement mais sûrement on approche du néant (Hors la vie), bien avant ce goût de déjà vu, je savais déjà qu’on y resterait (Bien avant), rien de moi ne restera (Mes peines de cœur).

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